Objet du litige : une « nettoyeuse » dont l’inventeur estime s’être fait souffler les droits d’exclusivité par l’entreprise.
C’est un procès peu banal qui attend prochainement le gestionnaire du métro rennais devant les juges du tribunal de grande instance de Paris. Le contentieux, déclenché par un des salariés de l’entreprise, ne porte pas sur une question relative au droit du travail, mais sur un conflit de propriété industrielle liée à l’utilisation d’une machine à nettoyer les rails.
Dans ce dossier inédit, 25 millions d’euros sont en jeu, le prix que le plaignant, un quinquagénaire affecté depuis une quinzaine d’années à l’entretien et la maintenance des voies souterraines, réclame à son employeur en réparation de la déloyauté dont ce dernier aurait fait preuve à son égard.
L’histoire, rapportée par Ouest-France, démarre en 2001 lorsque Jean-Michel Lerussé, un ancien chauffeur de bus, est recruté par Keolis Rennes. Sa mission : veiller au bon fonctionnement de la ligne A qui vient d’ouvrir au public. Le gros de son travail consiste surtout à tenir les voies en bon état de propreté afin d’éviter que l’agglutinement de résidus de graphite n’entraîne des courts-circuits dans l’ensemble de l’installation électrique. 1 000 heures d’effort manuels sont nécessaires en raison d’un équipement rudimentaire qui se résume, pour lui et ses six autres collègues, à un seau rempli d’eau, un savon et une brosse.
Divulgation fautive ?
Assez vite, l’agent de maintenance réfléchit à un procédé de nettoyage capable de lui simplifier la tâche. Sa formation initiale de mécanicien le sert beaucoup dans l’élaboration de ce nouveau projet : les expériences que ce fin bricoleur réalise chez lui, pendant ses heures de repos, l’amène à construire une ébauche de voie de métro sur laquelle il teste « un premier prototype équipé de buse à haute pression fixé à l’avant du train de maintenance. » Or, il s’avère que sa machine, utilisée en situation réelle, « permettait de traiter 350 m de voie par nuit contre 100 m auparavant et avec un résultat bien meilleur ». Dix ans plus tard, il la perfectionne encore, au point d’accroître son rendement et sa capacité de lavage jusqu’à « 500 mètres ».
Lui vient alors l’idée de déposer un brevet de propriété industrielle qui lui assurerait des droits exclusifs sur son invention. Or, selon son avocat, l’employeur le prend de vitesse et divulgue publiquement les caractéristiques de la machine, rendant caduque toute forme de procédure de protection juridique. Jean-Michel Lerussé décide donc d’attaquer en justice et constitue un volumineux dossier qui, chiffes à l’appui, cherche à évaluer les gains économiques dont Keolis a su tirer profit depuis la mise en service de la nettoyeuse . La poursuite engagée à l’encontre de l’entreprise repose sur les qualifications suivantes : « violation du devoir de confidentialité de l’employeur, divulgation fautive de l’invention et appropriation et exploitation par Keolis de l’invention ».
Les juges lui donneront-ils raison ? L’affaire sera examinée le 20 novembre prochain devant la 3e chambre du tribunal de grande instance de Paris.